Les ténèbres qui envahissaient ses cauchemars était de plus en plus intenses, arrachant en quelques secondes le semblant de vie qui lui appartenait encore. Ses draps de satin la recouvraient jusque par dessus la tête, tandis que son petit corps, sous cette matière, ne formait plus qu'une masse compacte de peur et d'angoisse. Le riche métal qui recouvrait son berceau semblait briller sous la lueur des bougies disposées en cercle, alors que leurs flammes dansaient et virevoltaient autour d'elle. L'enfant était terrorisée.
Les astres de la nuit attendaient avec impatience le moment de faire leur entrée majestueuse, sous l'œil attentif des prêtres. Les rues et ruelles tortueuses se vidaient, laissant place au silence et aux ténèbres envahissants. L'enfant s'agita un instant, ressentant la menace pesante qui la toucherait bientôt, mais la fillette le savait et, comme si l'on tirait habilement sur des ficelles, tel un pantin de bois, la gamine s'arrêta.
Quatre années de bonheur s'étaient écoulées, alors qu'en cet instant, elle sentait déjà deux bras l'agripper fermement et briser en plusieurs morceaux son paradis. L'enfant hurla de toutes ses forces, ignorant les mots de réconfort de sa propre mère, se débattant comme un animal prit au piège et sans aucun échappatoire.
« Ma fille...Lui découvrant la tête...sois sage et accepte ta destinée. »
A ces paroles, la gamine cria de plus belle, se débattant à nouveau jusqu'à ce qu'elle soit déposée dans les bras d'une autre personne moins accueillante. L'homme était vêtu de noir, il avait de larges épaules et sa peau était brunie par le soleil, son visage encapuchonné avait été rongé par la vieillesse et ses yeux qui lui paraissaient machiavélique, luisaient dans la pénombre.
Elle fut emmenée dans une autre pièce, une pièce qu'elle n'avait jamais vu, qu'on lui avait caché jusqu'à présent. L'endroit était spacieux et sa décoration recherchée. Les murs lambrissés étaient recouverts de lourdes tapisseries, le sol d'ivoire et le plafond élevé de gravures et de motifs d'argent élaborés.
Son regard dépressif se posait çà et là, explorant chaque recoins de sa prison, tandis que le moindre bruit inhabituel la faisait sursauter. Quatre hommes encapuchonnés étaient postés à chaque coin d'un autel taillé avec finesse dans la roche la plus délicate, mais la petite, les mains agrippées sur son porteur, l'apercevait plutôt comme un lieu porteur de mort où, jadis, il y eut de nombreux bains de sang pour le simple plaisir d'offrir un présent au dieu qu'ils vénéraient. Dieu stupide, d'après elle. Des bougies avaient été disposées soigneusement pour l'occasion, en cercle, mais la pénombre persistait tel un voile noirâtre recouvrant la pièce volontairement.
Lorsqu'elle fut déposée sur l'autel, la gamine remarqua que ses parents s'éloignaient lentement, vers le fond de la pièce et leurs visages semblaient s'assombrir, encore et toujours. Elle se débattait alors, à nouveau, renversant tout ce qu'elle pouvait sur le sol luisant et somptueux. Sans ménagement, quatre mains vinrent la maintenir, sans aucune délicatesse. La petite était prise, son regard presque dément fixait ses parents d'un air tantôt de reproches sévères, tantôt de pitié, mais ils ne firent aucun pas, aucun mot, rien.
Le grand prêtre à la peau dorée s'approcha d'elle d'une démarche lente et précise, déboucha une fiole du pouce et récita quelques mots, dont elle ne comprenait pas réellement le sens. Les cris de l'enfant s'intensifiaient à mesure qu'il approchait, envahissant la pièce de plaintes et de détresses, si bien qu'elle ne sentit pas le liquide lui couler le long de la gorge. Ses cris s'étouffaient et elle pensa même à recracher la chose infâme qu'on lui forçait à ingurgiter mais la paume d'une main se plaqua vivement sur sa petite bouche avant qu'elle n'ait tenté quoi que ce soit......
...
.....
........
Les couvertures étaient au sol, comme si elles avaient été jetées sans aucune délicatesse lors d'un combat effréné. Dans un sursaut, Shaanah se redressa vivement. Son visage reflétait la terreur, ses traits étaient tirés et elle remarqua même les larmes coulant sur ses joues. Figée, elle cria de plus belle, mais cette fois-ci, l'on distingua nettement le nom d'une personne.
LYSIUS !!!